du monde de l’éducation
Intervention de Monseigneur Gabriel SAYAOGO
« Les écoles catholiques en zones de conflit
et les meilleures pratiques face aux défis »
INTRODUCTION
Eminences, Excellences, Révérends,
Eminents professeurs, Mesdames et Messieurs,
Trois pays de l’Afrique Sahélienne
luttent pour leur survie. Il s’agit du Burkina Faso, du Mali et du Niger qui
ont d’ailleurs formé ce qu’on appelle « l’Alliance des Etats du
Sahel » (AES). Ces pays vivent les mêmes situations face aux caprices du climat, face à la guerre qui les frappe, face aux
conditions de développement, face à leur destin. Pour ma participation à ce
panel il m’a été demandé de parler des « écoles catholiques en zones de
conflit et les meilleures pratiques face aux défis. » Malgré ce que les
trois pays vivent en commun, je ne parlerai que de ce qui touche directement l’école
catholique du Burkina Faso. Ce n’est pas que je veuille faire des exclusions, mais
je préfère ne pas trop embrasser au risque de mal étreindre.
De manière rapide, je parlerai de
trois points : Ce qui prévaut au Burkina Faso aujourd’hui, pourquoi
l’attachement de l’Eglise à l’école catholique et les pratiques face aux défis
de l’école catholique dans une zone de turbulence.
I.
LA SITUATION DU BURKINA FASO
Voilà bientôt une quinzaine d’années,
depuis 2011, que le pays fait face à des menaces récurrentes d’ordre
sécuritaire et politique. Les citoyens d’une certaine génération vivent dans un
sentiment de dégradation des garanties du passé, dans un sentiment d’ébranlement
de ce dont les habitants du pays des hommes intègres tiraient orgueil et
fierté, la cohésion sociale, la paix et la sécurité. En
plus des attaques à répétition de groupes armés agissant même sur le plan
international, le pays connaît des affrontements intercommunautaires. Ces
affrontements sont isolés mais ils sont présents. On note çà et
là des conflits entre communautés, des conflits fonciers, des conflits liés à
l’exploitation des ressources, des querelles de leadership, des conflits de
succession royale, etc.
Impactant la vie sociale et même
économique, ces situations ont des répercussions sur le secteur de l’éducation
scolaire. L’avenir de tout pays se joue sur le terrain de l’éducation. Aujourd’hui
encore, au Burkina Faso, quand on commence une année scolaire, on ne sait pas
si on va la terminer. Il est vrai que les mouvements de grève des élèves, les
mouvements de boycott des cours ou des examens n’existent plus, mais dans les
zones rurales nous vivons sous le spectre des actes terroristes : des
écoles sont détruites, des enfants fréquentent sous des arbres ou sous des
paillottes ; en certains endroits, les classes sont surpeuplées parce que
l’école existante est au carrefour de plusieurs villages ; le déplacement
internes des populations contraint à la fermeture d’écoles. En dépit de ces réalités,
l’éducation scolaire et surtout celle catholique tient debout.
II.
L’EGLISE CATHOLIQUE ET SON ECOLE
Les missionnaires qui ont annoncé
pour la première fois l’Evangile de la liberté au Burkina Faso ne sont pas
venus uniquement avec la Bible. Ils nous ont apporté ce qu’ils étaient
aussi : des infirmiers, des enseignants, des ingénieurs des ponts et chaussées,
des experts agronomes, etc. C’est ainsi qu’avec l’annonce de l’Evangile, se
sont mises en places des actions sociales telle l’ouverture d’écoles. La
première école catholique du pays a vu le jour en 1900.
Ayant opté de manière préférentielle
pour les pauvres, bon nombre des œuvres sociales de l’Eglise sont effectivement
du social. Or, quand on fait du social, il n’y a que deux alternatives :
soit on a soi-même les reins solides, soit il faut compter sur la bonne volonté
de tierces personnes. La manne peut tomber pendant quarante ans, mais un jour
elle cessera de tomber. Quand vous engagez des enseignants il faut les payer.
Eux n’ont pas fait de vœu de pauvreté comme les religieux et les religieuses. Eux
ne vivent pas non plus d’honoraires de messes comme les prêtres. Suite donc à
certaines difficultés de gestion, l’Eglise s’est vu obligée de céder ses écoles
à l’Etat. Cela a été effectif en octobre 1969.
Voyant dans l’école une forme de sa
présence dans le milieu scolaire, avec un sursaut d’orgueil, l’Eglise a
organisé des assises nationales sur l’éducation catholique en 1996. Ces assises
ont abouti à des résolutions et l’Eglise a entrepris des démarches pour
redemander à l’Etat de lui rétrocéder ses écoles. Depuis l’an 2000, selon la
demande de l’Eglise catholique, l’Etat lui rétrocède des écoles. Les mêmes
causes produisant les mêmes effets, la situation actuelle n’est guère
meilleure. Les danseurs ont changé mais la danse est restée la même. A cela
s’ajoutent les effets du terrorisme que j’ai décrits un peu plus haut. Qu’à
cela ne tienne, l’école fait partie de la mission d’enseignement de l’Eglise. Y
renoncer serait renier une des trois fonctions reçues du Christ. Des stratégies
sont alors pensées et mises en œuvre pour maintenir l’école catholique malgré
les défis qui sont siens.
III.
LES BONNES PRATIQUES DE L’ECOLE CATHOLIQUE FACE A SES DEFIS EN ZONES DE
CONFLITS
1.
La protection des domaines scolaires
La menace terroriste est omni
présente. Malgré les précautions prises ou à prendre, on n’est jamais à l’abri
de leurs actes violents et aveugles. Il vaut, cependant, mieux prévenir que
guérir, dit l’adage. Beaucoup de domaines de nos écoles sont ouverts aux
passages des riverains, des animaux en divagation et constituent des terres de
prédation pour les gens mal intentionnés. Une des actions en cours est la
protection des propriétés scolaires par des murs.
2.
La prière pour le retour de la paix
L’adage nous enseigne qu’il faut
d’abord vivre avant de penser à philosopher. La paix étant le nouveau
nom du développement, fidèle à sa culture, l’école catholique invite toujours
les enfants à la prière pour qu’advienne la paix. Ainsi, chaque jour, à la
première heure des classes le matin et à leur fermeture le soir, les enfants
prient pour demander la paix. Ils prient aussi pour la santé de leurs parents
qui se soucient de leur éducation. Ils prient pour les autres acteurs de
l’éducation pour que ces derniers aient toujours à cœur, le bien de l’apprenant
et de la société.
3.
L’éducation à la résilience
Les obstacles à un bon déroulement
des programmes scolaires au sein de l’éducation catholique sont omniprésents. Nous
espérons que cela prendra fin un jour. Notre espérance va du fait que Dieu
n’est pas sourd à nos supplications et que rien de ce qui est fruit de
l’imagination ou de l’action de l’homme n’est éternel. Aucune hégémonie n’est
perpétuelle. Les conflits dont le terrorisme peuvent sembler insurmontables
aujourd’hui. Le gardien d’Israël ne sommeille pas. A l’école catholique nous enseignons
à nos enfants à vivre avec toute adversité et même à la dépasser. Malgré les
réalités des vents contraires, les enfants ne doivent pas rester dans une
position de victimisation. Personne ne vaincra le terrorisme à leur place. Ce
sont eux qui le vaincront. Et pour y arriver ils doivent accepter de
travailler. Une bonne partie de notre éducation est centrée sur la valeur du
travail. Nul ne peut se développer sans le travail. Nul donc ne peut vaincre le
mal sans le travail.
4.
La politique de la prudence
La méditation de certains passages de
l’Ecriture Sainte nous dit que Dieu place ses prophètes comme des guetteurs, des
sentinelles. Ces veilleurs doivent avertir le peuple d’Israël des dangers qui
le menacent. A l’école catholique, nous enseignons les enfants à être vigilants
sur tout ce qui peut être suspect et qui pourrait permettre à l’adversaire de
surprendre les acteurs de l’éducation, soit en prenant position en leur sein,
soit en posant des actes regrettables.
5.
L’esprit de solidarité
Qu’il soit question de développement ou
de lutte contre le terrorisme, personne ne peut le réaliser seul. Rien ne se
construit sans les autres, rien ne se fait en se fermant aux autres. A l’école
catholique on enseigne aux enfants et aux jeunes à savoir assumer le passé de
notre histoire et à lever le regard vers l’avenir. Pleurer sur son passé, se
plaindre de son présent ne servent à rien. Ce qui est utile c’est de se lancer
dans la conquête de sa liberté et de son développement.
CONCLUSION
Tout être vivant, et de manière
particulière l’être humain, a des besoins naturels qu’il doit continuellement
satisfaire, s’il veut toujours répondre à cette qualification de
« vivant. » N’est pas seulement vivant celui qui existe, celui qui se
meut, mais aussi et surtout celui qui apporte une plus-value à la vie. Telle
est la mission que se donne l’école catholique. Se souciant pour l’avenir du
pays, elle réfléchit à l’enseignement qu’elle donne aux jeunes, et réfléchit
également à l’éducation que ces derniers reçoivent. Ils ne sont pas nés pour
traverser la vie mais pour vivre. L’école catholique se doit de leur inculquer
des ambitions : celles du développement, de la cohésion sociale, de la
fraternité, de dignité et de souveraineté.
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