Pourquoi
les chemins du christianisme mènent-ils à Rome?
La
ville de Rome vit une année difficile, en raison de l’effondrement du tourisme
et des pèlerinages pour cause de pandémie. Mais au fil des siècles, après les
guerres et les épidémies, Rome est toujours redevenu un épicentre des
pèlerinages chrétiens en tant que lieu des martyres et des sépultures de saint
Pierre et saint Paul.
Cyprien
Viet – Cité du Vatican
Malgré
le retour de certains touristes et pèlerins européens en ce mois de juillet,
l’année 2020 restera probablement marquée par un effondrement global du nombre
de visiteurs à Rome. Cette chute, qui bouleverse l’économie locale, intervient
après des décennies d’expansion parfois spectaculaire, voire surdimensionnée,
de la capitale italienne, qui, à la suite de Florence et Venise, a parfois
semblé exiger de ses habitants qu’ils adaptent leur vie en fonction des
exigences du tourisme, plutôt que l’inverse…
Mais
pour les chrétiens, le voyage à Rome, ou plus précisément le pèlerinage à Rome,
n’est pas une simple occasion de divertissement. Elle s’enracine au contraire
dans une histoire dramatique qui a structuré le développement du christianisme
dès le premier siècle de notre ère.
C’est
en effet le martyre de saint Pierre, et sa sépulture dans les catacombes du
Vatican, qui a été le point de départ de l’inscription de la Papauté dans ce
lieu à l’origine peu attractif. «Pour les anciens Romains, c’est un
marais dans un méandre du Tibre, un lieu malfamé», rappelle le
journaliste Nicolas Senèze, correspondant permanent du journal La
Croix à Rome de 2016 à 2020 et auteur du Guide étonné
du Vatican, paru en 2019 aux éditions Salvator. Pourtant, cette colline,
devenue un lieu de villégiature de certaines riches familles romaines, se
transformera en un lieu chrétien au fur et à mesure des siècles, en raison de
la présence de la tombe de Pierre.
Les
premiers pèlerinages dès l’Antiquité
Des
traces de passage de pèlerins apparaissent dès l’époque antique, et la
basilique souhaitée par Constantin sera l’un des symboles de la nouvelle
visibilité du christianisme au IVe siècle. Dès la fin de l’Antiquité, des
hôtelleries sont construites, notamment à destination des pèlerins venus du
monde germanique. Le quartier du Borgo trouve son origine dans ces
installations.
Quelques
siècles plus tard, l’organisation des Jubilés, dont la première édition connue
avec certitude remonte à l’an 1300, permettra de donner un nouveau rythme aux
pèlerinages sur les tombes de Pierre et Paul, alors qu’au milieu du Moyen-Âge,
Rome avait perdu de son lustre par rapport à Saint-Jacques-de-Compostelle et
surtout Jérusalem, une destination mythifiée par les Croisades.
Un
nouvel élan à la fin du XXe siècle
Une
nouvelle phase difficile toutefois se produira à l’époque contemporaine,
lorsque le conflit entre le Pape et le nouvel État italien, puis la Seconde
Guerre mondiale, provoquent un confinement du Pape et du Vatican. Ce n’est qu’à
partir de l’Année Sainte 1950, convoquée par Pie XII, que le pèlerinage à Rome
deviendra une expérience accessible pour un nombre de plus en plus important de
chrétiens.
L'Année
Sainte de 1975 relance l'attachement de nombreux catholiques au Siège de Pierre
et à saint Paul VI, après les crises post-conciliaires qui en avaient amené
certains à s'éloigner de Rome, physiquement, symboliquement et spirituellement.
L'effort physique de venir à Rome pour voir le Pape et se recueillir sur la
tombe de Pierre sera pour certains catholiques désorientés l'occasion de
retisser un lien avec la foi, en se référant aux origines du christianisme et
non plus seulement à des idées ou à des idéaux.
Saint
Jean-Paul II verra lui son pontificat culminer avec le grand Jubilé de l’an
2000, qui donne lieu à de vastes efforts de mise en valeur de la ville de Rome
et du Vatican, où de nombreuses cérémonies sont retransmises en mondovision. Le
Jubilé de la Miséricorde proposé par François en 2016 a offert un nouveau
modèle, moins massif et plus décentralisé, mais il a tout de même attiré des
millions de pèlerins à Rome.
Après
cette année 2020 difficile pour tous ceux qui auraient voulu vivre un
pèlerinage et ceux qui œuvrent dans ce secteur, les années à venir devraient
permettre une redécouverte du pèlerinage romain physique, et non seulement
virtuel. D’ores et déjà confirmée par le Pape François, l’organisation d’un
Jubilé de 2025 (avant peut-être 2033, pour célébrer le bimillénaire de la
Passion et de la Résurrection du Christ) sera une occasion de «rappeler
ce que veut dire le pèlerinage sur la tombe de Pierre», espère Nicolas
Senèze.
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