RD
Congo : Les Evêques se prononcent sur la gratuité de l’enseignement primaire
Le Secrétaire général de la Conférence Episcopale Nationale du Congo,
CENCO, l’abbé Donatien Nshole, a animé un point de presse lundi 16 décembre
2019 au centre interdiocésain, à Kinshasa, autour de la gratuité de
l’enseignement décrétée en République démocratique du Congo.
Au cours de ce point de presse, l’abbé Nshole a livré la position
de l’Eglise catholique sur cette question brûlante de l’heure en rappelant
qu’en 2004, dans un mémorandum, les Evêques congolais avaient levé l’option de
ne pas imposer aux parents la prise en charge de la paie des enseignants. Pour
l’Eglise catholique du Congo, la gratuité est irréversible. Mais, les autorités
devraient bien rémunérer les enseignants pour éviter la dégradation de
l’enseignement national.
Voici
l’intégralité du message de la CENCO :
CONFERENCE
DE PRESSE DU SECRETARIAT GENERAL DE LA CONFERENCE EPISCOPALE NATIONALE DU CONGO
(CENCO) SUR LA GRATUITE DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE.
1.
Le début de l’année scolaire en cours a été marqué par l’application d’une
disposition constitutionnelle (art43,4), reprise dans la loi cadre de
l’éducation de février 2014, à savoir : la gratuité de l’enseignement de
base en République Démocratique du Congo. L’effectivité de cette mesure
annoncée par le Chef de l’Etat, Son Excellence Monsieur Félix Antoine
Tshisekedi Tshilombo, a été naturellement saluée avec grande joie par les
parents d’élèves.
2.
Dans leur message du mois de juin 2019, les Evêques membres de la Conférence
Episcopale Nationale du Congo (CENCO), qui déjà en 2004 avaient levé l’option
de ne pas imposer aux parents la prise en charge de la paie des enseignants
(Cf. Mémorandum des Evêques de la CENCO au Gouvernement de la République en
Juin 2004), ont exprimé leur satisfaction à l’annonce de cette décision. En
même temps, ils ont prié les autorités compétentes de veiller aux préalables
indispensables pour sa bonne application, notamment la garantie d’un salaire
digne pour tous les enseignements et la régularisation de la situation
salariale des enseignants non payés (NP) et des nouvelles unités (NU).
Constats
3.
Trois mois après la rentrée scolaire, la CENCO a organisé sur ce sujet une
réunion d’évaluation qui a réuni les coordinateurs diocésains et provinciaux
sous l’égide de la Coordination Nationale des Ecoles Conventionnées
Catholiques. Des constats faits, nous
pouvons signaler :
Les avancées
·
Un afflux massif des enfants jadis déscolarisés ou
dont les parents furent essoufflés par le paiement des frais de motivation.
·
L’augmentation des salaires des enseignants des
établissements publics.
·
L’augmentation des frais de fonctionnement des
écoles primaires.
·
La suppression des frais de motivation à tous les
niveaux (maternel, primaire et secondaire).
·
La suppression des autres frais scolaires au niveau
primaire.
·
649 soit 71,4% des enseignants des écoles
conventionnés catholiques sont payés.
·
565 écoles conventionnées catholiques soit 70,7%
sont mécanisées et budgétisées.
Les défis
·
698 soit 9,7%des enseignants ne sont pas payés (NP).
·
138 soit 18,9% des enseignants sont des nouvelles
unités non enregistrés, par conséquent non payés (NU).
·
898 soit 11,6% des écoles sont mécanisées mais non
budgétisées.
·
317 des écoles soit 8,1% ne sont ni mécanisées ni
budgétisées.
·
330 écoles soit 8,1% sont non agrées mais
opérationnelles.
·
243 écoles soit 1, 5% sont agrées mais non
opérationnelles.
·
La démotivation des enseignants NP et NU ainsi que
tous les agents d’appoint en Provinces (directeurs de discipline, surveillants,
sentinelles, secrétaires, ouvriers) qui ne sont pas payés.
·
Grèves passives ou actives des enseignants dont la
rémunération est non satisfaisante
·
Difficulté de fonctionnement des écoles non budgétisées
par manque des frais de fonctionnement.
·
Effectifs pléthoriques entraînant l’insuffisance des
infrastructures.
·
Manque de matériels didactiques et de manuels
scolaires particulièrement dans les classes de 7ème et 8ème pour certains cours
inscrits au programme.
·
Manque d’équité dans l’octroi des frais de
fonctionnement aux écoles et aux bureaux des gestionnaires.
·
L’arrêt de tous les projets entrepris au niveau des
écoles notamment ceux de construction des nouvelles infrastructures et
d’équipement.
Recommandations
1.
La CENCO salue les efforts fournis par le Gouvernement pour appliquer la
gratuité de l’enseignement de base et félicite toutes les autorités qui sont
impliquées à sa mise en œuvre. Cependant, si les efforts fournis ne sont
pas soutenus et que les difficultés relevés ci-dessus ne sont pas pris très au
sérieux, ce bel élan pris peut facilement être brisé avec le risque de
retourner en arrière.
C’est
pourquoi nous recommandons vivement aux dirigeants de :
·
Exécuter la promesse du Chef de l’Etat de rémunérer
les N.P en Janvier 2020 ;
·
Rassurer les NU qu’ils seront payés avec effet
rétroactif pour les motiver,
·
Identifier les écoles mécanisées et non budgétisées,
aussi celles non mécanisées et non budgétisées et procéder au payement de
leur frais de fonctionnement ;
·
Exécuter la promesse du Chef de l’Etat de mettre fin
au moratoire de création des écoles, par l’harmonisation de la carte scolaire
et la révision des structures des classes ;
·
Prendre en charge les frais des examens d’Etat afin
d’éviter la corruption et d’encourager la rigueur dans ces épreuves, et mettre
en place un comité d’organisation indépendant au niveau national et provincial,
comprenant tous les partenaires éducatifs ;
·
Mettre en place un plan de construction et de
réhabilitation des écoles.
·
Assurer l’équipement en bancs et en outils
didactiques ;
·
Procéder à la suppression ou à la fusion des
bureaux gestionnaires pléthoriques et budgétivores créés en dehors des
normes ;
·
Procéder à la réforme urgente du service de
contrôle de la paie (SECOPE) pour garantir la transparence du fichier du
personnel enseignant et la traçabilité des fonds mis à sa disposition;
·
Promouvoir efficacement l’éthique par le
contrôle et l’application rigoureuse des sanctions administratives et pénales
en cas de pratiques de monnayage des actes éducatifs ;
·
Interdire les interventions intempestives de
l’ANR, des partis politiques et autres services spéciaux dans les écoles.
2.
La gratuité de l’enseignement primaire doit être irréversible. La CENCO est
disposée à apporter sa contribution dans la recherche des solutions pour
surmonter les principales difficultés qui risquent de compromettre la réussite
de cette politique de gratuité ou de contribuer à la baisse du niveau de
l’enseignement qui est déjà déplorable, à savoir : le non-paiement des
enseignants qui prestent depuis septembre ; l’insuffisance des salaires qui,
pour certains, sont sensiblement revus à la baisse.
3.
Le prochain Comité Permanent des Evêques membres de la CENCO qui se tiendra en
février 2020 se penchera particulièrement sur ces questions qui attendent les
réponses concrètes.
4.
Puisse la sagesse Divine habiter tous les acteurs éducatifs de notre pays et
que, par l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie, le Seigneur bénisse
notre jeunesse et leurs éducateurs.
Kinshasa,
le 15 décembre 2019
Abbé
Donatien NSHOLE BABULA
Secrétaire Général de la CENCO
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