martedì 4 maggio 2021

HAITI: L'EDUCATION EST EN PERIL


Haïti connaît une situation d’insécurité majeure. 
L’île, gangrénée par la violence et la corruption, fait face à une recrudescence des enlèvements.
 Ce contexte délétère a de lourdes conséquences sur le système éducatif haïtien.

 

Entretien réalisé par Hélène Destombes - Cité du Vatican

 Dix personnes, dont sept religieux, ont été enlevées le 11 avril dernier par des membres du gang «400 Mawozo», en périphérie de Port-au-Prince, la capitale. Seuls trois otages ont été libérés, samedi dernier. Les évêques ont dénoncé la «dictature du kidnapping» et exhorté à la «transformation des cœurs», exprimant leur profonde indignation.

Le président haïtien Jovenel Moïse, de plus en plus contesté, a annoncé après cette prise d’otage un remaniement ministériel mais le pays est désormais plongé dans une crise politique, économique est sécuritaire aigüe. Le peuple haïtien, à qui le Pape François avait exprimé sa proximité dans son message Urbi et Orbi de Pâques, est exsangue, victime de gangs qui profitent du chaos pour étendre leur emprise.

Ce climat de violences a des conséquences dramatiques sur le système éducatif haïtien, qui représente l’un des derniers piliers de la société. Josette Bruffaerts, universitaire franco-haïtienne, est la présidente de l'association Haïti Futur, qui a pour objectif de développer une éducation de qualité et de promouvoir l’entreprenariat dans le pays. Elle décrit un pays à la dérive.

La situation dans le pays ne cesse de se dégrader. Durant toute ma vie en Haïti, je n’ai jamais connu de tels événements. C’est vraiment le mot déliquescence qu’il faut employer pour ne pas dire effondrement. Nous sommes vraiment un concentré de ce qui signifie la faillite de l’État. Il y a plus de 4,5 millions de personnes aujourd’hui en situation de détresse, à la fois alimentaire mais aussi en termes de santé. À cela, s’ajoute la présence de détenus dangereux qui viennent des prisons nord-américaines et qui ont débarqué dans le pays. Les kidnappings n’existaient pas avant en Haïti.

Quelles sont les répercussions de la violence, qui gangrène le pays, sur le système éducatif haïtien ?

Aujourd’hui, les enfants sont kidnappés en allant à l’école. Avec l’Église, l’école est vraiment actuellement la seule institution structurée. Les enfants se lèvent, s’habillent, respectent des horaires. Il y a une prise en charge, mais aujourd’hui tout cela est déstructuré parce que les parents ont peur d’envoyer leurs enfants à l’école et les enfants, la peur au ventre, ne peuvent pas étudier. L’école était le dernier bastion de ce qui compose une société, mais elle est aujourd’hui mise à mal.

L’abandon scolaire est-il devenu un phénomène chronique en Haïti ?

Tout à fait. Actuellement il y a dans le pays 40% d’enfants en âge d’être scolarisé qui ne fréquentent pas l’école. Il y a donc un taux d’analphabétisme très élevé. L’abandon scolaire est extraordinaire. Sur cent élèves qui rentrent en classe de CP (cours préparatoire) seuls vingt-neuf parviendront à l’école secondaire. Il y a donc un abandon de près de 70%. Aucun pays au monde, me semble-t-il, n’arrive à ce niveau.

L’Église catholique est-elle, en quelque sorte, l'institution permettant à l’éducation de se maintenir dans le pays ?

L’école à 90% est privée en Haïti, l’État ne prend en charge qu’à peine 10% des écoles.  La présence est assurée par l’Église catholique et l’Église protestante. Dans les campagnes par exemple, c’est l’école dite presbytérale qui donne une chance aux enfants, complètement abandonnés par l’État. Il s’agit souvent d’écoles où les personnes font avec les moyens du bord, et la classe se fait parfois dans des églises. Il y cependant une présence, une forme de gouvernance. Cela signifie qu’il y a encore quelque chose qui soutient ce pays parce qu’en Haïti l’école ne représente pas seulement un apprentissage scolaire. Elle enseigne aussi le savoir-vivre, un certain apprentissage de la vie. Il n’y pas de centres culturels en Haïti, il n’y a pas beaucoup de lieus de socialisation comme dans d’autres pays. L’école est donc le pilier pour refonder la société haïtienne. Moi-même j’ai été sauvé par l’école, par l’éducation car je suis originaire d’une famille nombreuse rurale. Mon père a dû aller à Cuba couper la canne à sucre pour nous éduquer. L’école est le pilier dans lequel les Haïtiens placent leur espoir.  

Le Pape François a proposé un nouveau modèle éducatif mondial basé notamment sur la dignité des personnes, l’écoute des enfants et la généralisation de l’instruction pour les fillettes. Votre association, Haïti Futur, tend-t-elle à promouvoir ce modèle ?

C’est tout à fait mon langage. Au sein de l’association, la dignité est au centre. Nous encourageons beaucoup l’autonomie et n’employons pas le terme humanitaire. Dans notre langage c’est le mot humanité qui a sa place. Nous avons, par exemple, lancé une initiative qui s’intitule «Adopter une école à moderniser». Plutôt que de donner une bourse à un enfant, nous proposons de parrainer une école afin de reconstituer le tissu social. Les mots importants, pour moi, sont espoir, dignité courage. Ils représentent Haïti et je suis convaincue que le pays va se relever. 

 

Vatican News

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