- La conférence promue par le dicastère pour les Causes des saints s'est ouverte lundi 3 octobre à l’université pontificale Antonianum à Rome. Jusqu'au 6 octobre, des experts de différentes disciplines discuteront de la définition actuelle des vertus héroïques et de la réputation de la sainteté à l'ère numérique.
-Alessandro di Bussolo – Cité du Vatican
Il y a des saints et des saintes aussi en 2022, dans le bien qui germe «de gestes de paix apparemment impraticables», quand on «déserte un massacre, dans la prière, dans le témoignage secret et la charité qui changent tout, ne serait-ce que pour une personne». Même au cœur de la guerre, il y a des saints et des saintes qui «disent aux hommes et aux femmes de ce temps qu'il y a un salut qui nous concerne tous et qu'il ne s'agit pas d'une fuite en arrière, mais d'une course en avant vers un horizon chrétien qui coïncide, même s'il n'est pas épuisé, avec l'humanisme qui apporte la paix au monde», a affirmé Marco Tarquinio. Le directeur du quotidien des évêques italiens L’Avvenire, a esquissé une définition de la sainteté dans le cadre du colloque d'étude «La sainteté aujourd'hui», organisé par le dicastère pour les Causes des Saints, qui s'est ouvert hier après-midi à l’Agostinianum, à quelques pas de la place Saint-Pierre.
Une sainteté au quotidien et réputation de sainteté à
l'ère du numérique
Jusqu'au 6 octobre, des membres du dicastère, du monde
académique ainsi que de la culture et des médias sont appelés à discuter de
deux thèmes principaux identifiés par le cardinal préfet Marcello Semeraro. Le
thème est «l'héroïcité chrétienne entre perpétuité et actualisation», et il
s’agit de savoir identifier les vertus requises pour une «sainteté
canonisable», en gardant à l'esprit que saint John Henry Newman a écrit que
pour être parfaits «nous ne devons rien faire de plus que remplir nos devoirs
quotidiens», dans la vie chrétienne ordinaire.
La sainteté à l’ère numérique
Le deuxième thème évoqué fut celui de la réputation de
sainteté à l’ère numérique. La constatation d'une fama sanctitatis «solide et
répandue» a toujours été la condition fondamentale pour lancer une cause de
béatification et de canonisation, a rappelé le préfet, or «au cours des
dernières décennies, cependant, il semble que ce filtrage préalable soit passé
au second plan: par exemple, dans les positiones, la renommée de la sainteté
(ou du martyre ou de l'offrande de sa vie) et la renommée des signes sont
désormais généralement insérées à la fin de l'exposition». C'est pourquoi,
rappelle le cardinal, le 31 mai 2021, le dicastère pour les Causes des saints a
envoyé une lettre à tous les évêques recommandant de «vérifier la cohérence et
l'authenticité de cette notoriété, ainsi que l'exemplarité et l'actualité des
candidats, ainsi qu'une "fama signorum" significative». Le sujet est
donc d'actualité, d'autant plus que l'ère numérique pose des défis nouveaux et
urgents. Car, commente le cardinal Semeraro, «je ne crois pas que les saints
aient des 'likes' sur les réseaux sociaux».
La sainteté, fruit de l’Esprit Saint
La première intervention de ce colloque, confiée à Mgr
Bruno Forte, fut consacrée à la sainteté comme fruit de l'Esprit. L'archevêque
de Chieti-Vasto en Italie a souligné comment le Concile Vatican II, dans sa
constitution sur l'Église Lumen Gentium, indique clairement que l'Esprit Saint
a été envoyé «pour sanctifier continuellement l'Église», et que par conséquent
la sanctification «est le but principal et le fruit de l'action de l'Esprit
Consolateur dans l'Église». L'action de l'Esprit dans le temps est triple:
c'est la mémoire vivante de Dieu qui «actualise les merveilles de l'avènement»
du Christ; c'est Lui «qui transforme l'aujourd'hui des hommes en l'aujourd'hui
de la grâce qui sauve et sanctifie»; enfin, «c'est Lui qui unit sans cesse le
présent du monde au "pas encore" du dernier jour, en nous donnant un
avant-goût de la sainteté infinie de Dieu». Grâce à cette triple action de l'Esprit,
a poursuivi le prélat, «l'eau de la vie coule avec une fraîcheur toujours
nouvelle et permet aux hommes de répondre à l'appel à la sainteté qui, dans le
dessein du Très-Haut, est adressé à toute créature humaine». Comme l'indique le
Concile dans Gaudium et spes, l'Eglise doit se tenir à l'écoute de l'Esprit,
engagée à discerner les signes des temps et non se renfermer «dans un château
de certitudes faciles». Mgr Forte l’appelle à vivre «dans la brèche de
l'histoire, dans le dialogue et dans un compagnonnage exigeant et fécond avec
les hommes». Ainsi, elle accueillera docilement l'action de l'Esprit.
Quels sont les signes des temps? «L'aspiration à la
justice, à la liberté et à la paix, la présence universelle de fidèles témoins
de l'Évangile et de la radicalité de l'amour, poussé jusqu'au don de la vie en
solidarité avec les plus faibles et au service de la justice pour tous» en sont
quelques exemples pour le prélat italien. C'est donc avant tout dans l'exercice
de la charité que la communauté chrétienne relève le défi des signes des temps,
se solidarise avec l'homme concret et le sert en vue de sa pleine promotion et
donc de sa libération de tout ce qui porte atteinte à sa dignité d'enfant de
Dieu, poursuit-il.
Le but ultime du peuple de Dieu, «qui fait des chrétiens
des étrangers et des pèlerins en ce monde, n'est pas un rêve qui éloigne de la
réalité, mais une force stimulante d'engagement pour la justice, la paix et la
sauvegarde de la création dans le monde d'aujourd'hui», conclue Mgr Forte.
C'est pourquoi les Saints «animés par l'action de l'Esprit, apparaissent
inconfortables et inquiétants aux yeux du monde». Jusqu'à ce que le Christ
vienne dans son dernier avènement, «l'Église reste le lieu privilégié de
l'action de l'Esprit dans l'histoire, et donc la Mère dont les enfants de Dieu
ont besoin pour vivre».
La sainteté, une charité pleinement vécue
C'est ce qu’a affirmé l'évêque de Sessa Aurunca. Citant
l'exhortation apostolique Gaudete et Exultate du Pape François de 2018, Mgr
Orazio Francesco Piazza précise que «la sainteté n'est rien d'autre que la
charité pleinement vécue» et que, la charité étant toujours suivie de la joie,
«la voie de la sainteté, en tant que don et tâche, est la seule voie de la joie
parfaite». Il ne s'agit pas tant de «la recherche de perfections personnelles,
de preuves miraculeuses ou d'œuvres extraordinaires, mais plutôt du don de la
miséricorde et de l'amour offert par Dieu au genre humain à travers des
personnes vouées à transformer leur vie et celle des autres avec les signes de
la dignité filiale que Dieu rend à ses créatures» a précisé Mgr Piazza. Pour lui, la sainteté, c'est toujours écouter
deux voix: celle de l'amour miséricordieux de Dieu tendu vers ses créatures, et
celle de l'humain, qui souvent, au milieu des urgences de la vie, devient une
invocation.
Il donne des pistes pour s’engager dans un «chemin de vie
intégral» qui façonne la charité. Il y a d’abord «l'union intime» avec Dieu,
Lui faire confiance et se confier à Dieu. Puis, il y a « l’humilité joyeuse»
qui consiste à vivre avec simplicité et disponibilité en union avec le Christ
et les frères et sœurs, et «la fraternité prophétique» comme style de communion
et de partage. La vie d'aujourd'hui, conclut l'évêque de Sessa Aurunca, a
besoin des figures des saints «dans lesquels se manifeste la puissance de la
grâce de Dieu qui dépasse la logique de la situation; modèles d'une vie
courageuse, patiente, humble et joyeuse, confiante et ferment d'espérance pour
l'homme et le monde». Dans leur vie s'illumine, affirme-t-il enfin, la
conjonction incarnée de la gloire de Dieu et du poids de la vie quotidienne.
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