Penser une «théologie
de la sagesse» africaine
Dans son message adressé aux participants au deuxième
Congrès Panafricain sur la Théologie, la société et la vie pastorale, le Pape
François a appelé les théologiens africains à élaborer une théologie de la
sagesse, inspirée de l’héritage ancestral. Pour le père jésuite Emmanuel Bueya,
une telle Théologie africaine peut se baser sur des éléments de la culture
africaine comme l’Ubuntu, la Maât, le partage et bien d’autres.
- par Stanislas Kambashi,SJ et Christine Kinghombe – Cité du Vatican
À l’occasion du deuxième Congrès panafricain sur la théologie, la société et la vie pastorale, organisé à Nairobi, au Kenya, le Pape François avait adressé aux participants un videomessage dans lequel il appelait à penser une «Théologie de la sagesse».
Dans une interview accordée à Vatican News, le père
Emmanuel Bueya, jésuite originaire de la RD Congo et professeur des relations
internationales à Hekima Peace Studies à Nairobi, estime que la «Théologie de
la sagesse» peut être comprise comme «un retour aux traditions qui nous
offrent une manière d’être dans le monde». La sagesse, a-t-il
expliqué, nait souvent d’une réflexion sur l’expérience. «L’Afrique et son
histoire comportent une expérience de bonheur et de malheur, qui ont pu
engranger une certaine sagesse qui peut être éclairante pour les populations
qui avancent».
Cela étant, la Théologie de la sagesse n’est pas à mettre
en opposition avec la «Théologie académique». C’est plutôt «une théologie du
peuple», qui cherche à revenir vers la population. Pour le jésuite congolais,
une telle théologie «comprend l’expérience quotidienne de la
survie et de la foi. La patience dans les épreuves et la confiance en Dieu sont
toujours présentes au cœur de l’histoire ; car quel que soit la durée de
la nuit, le soleil finira par apparaitre…».
La «Théologie de la sagesse» et ses implications
Cette théologie dite de la sagesse implique que
l’africain ou un autochtone ne doit pas être considéré comme «une personne à
qui venir aide», car il a en lui un potentiel qui bien souvent est minimisé
en rapport «l’autre». La «Théologie de la sagesse» a pour effet, comme dans la
démarche du synode, la rencontre et la reconnaissance de l’autre, comme étant
un être humain, capable d’initiatives et de réflexion, avec qui on peut
construire ensemble une communauté conviviale et heureuse.
Pour l’africain, la théologie de la sagesse implique
également le respect de ses traditions et la pratique de ses valeurs éthiques,
a indiqué le père Bueya, qui a expliqué qu’il s’agit d’une démarche où l’Ubuntu est
considéré comme la racine cardinale; ou comme dans la sagesse de l’Egypte
pharaonique avec la Maât où la justice est harmonieuse. Dans
cette dynamique, l’africain sera capable de «sortir des sociétés
post-coloniales, déstructurées, avec des économies gangrenées par une injustice
et des violences de tout genre… pour entrer dans une dynamique où le royaume de
Dieu cesse d’être une utopie, mais devient un projet de vie au quotidien parce
qu’en tant que chrétiens, c’est cela notre vocation. », a ajouté le père
Bueya.
La valeur de l’être humain, une donnée essentielle de la
«Théologie de la sagesse»
Outre l’Ubuntu et la Maât, la
théologie de la sagesse peut s’appuyer sur d’autres éléments comme l’humanité,
que le philosophe congolais met en contradiction avec l’idéologie capitaliste
amenée par le néolibéralisme. Le père Bueya a évoqué le cas de son pays la RD
Congo, où les richesses naturelles sont pillées par les multinationales, au
détriment de la population et de l’environnement. «Je suis du Congo et quand
je regarde comment les multinationales saccagent nos richesses, transforment la
population en instrument pour le gain, pour l’appât, c'est là où il faut
profiter de cette sagesse pour faire comprendre que le plus important c’est
l’être humain», a-il-ajouté.
Reconnaitre en l’autre un frère, un ami, implique des
valeurs telles que l’hospitalité, le respect de la différence qui est une
richesse pour que dans la complémentarité, l’on soit en mesure de promouvoir
l’autre dans toute sa diversité et sa richesse. Le prêtre congolais a aussi
souligné l’importance du partage, en indiquant qu’à «l’église on
parle souvent de l’agapé; et c’est au sein de cette agapé que cette theologie
peut s’épanouir car les hommes vont main dans la main, comme dit le psalmiste».
L’apport de la théologie de la sagesse à la société
africaine
Pour le père Bueya, la théologie de la sagesse apportera
aux sociétés africaines un changement de paradigme. En effet, l’accent ne sera
plus mis sur les institutions mais plutôt, sur la personne spécifique à sauver,
dans sa situation concrète. Une deuxième dimension, a-t-il poursuivi, est le
changement dans la manière de concevoir le monde. Aujourd’hui, ce n’est plus
l’homme qui est au centre comme à l’époque de Protagoras. «Maintenant, on se
rend compte qu’on doit quitter l’anthropocentrisme pour entrer dans une
dimension de la nature, qui n’est plus considérée comme une chose à conquérir,
mais comme une mère qui nous porte, qui nous nourrit. Et c’est de
la sagesse africaine, qui est porteuse d’une philosophie de la participation.
Je ne suis pas un corps, je suis mon corps; le monde n’est pas un habitat qu’il
faut transformer à sa façon, mais plutôt un co-être avec lequel il faut vivre.
La théologie de la sagesse est ainsi une théologie africaine en amont de tout autre
courant de pensée », a expliqué le père Emmanuel.
Appel à la conscience des jeunes
Le père Bueya a invité les jeunes africains à entrer dans
cette dimension où le dialogue devient un facteur important pour le
développement des nations. Au-delà de toutes les idéologies, a-t-il fait
observer, l’homme africain cherche des bonnes conditions de vie. La meilleure vie
n’est seulement ailleurs au point de risquer sa vie dans la traversée du désert
ou de la Méditerranée ou encore dans toute sorte de migration. Le jésuite
congolais est convaincu qu’avec toutes les richesses qu’ont leurs pays, les
africains peuvent s’en sortir mieux qu’ailleurs.
Il a en particulier appelé les jeunes de la RD Congo,
d’où il est originaire, à se mettre ensemble, en unissant leurs atouts et
expériences, afin de construire un pays prospère et beau.
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