PAPE FRANCOIS:
RENCONTRE AVEC LES JEUNES
".... Merci, Leonardo, de partager l’expérience du harcèlement et de la discrimination dont tu as souffert. De plus en plus les jeunes ont le courage de parler d’expériences comme la tienne. En mon temps, quand j’étais jeune, on ne parlait jamais des choses comme celles relatées par Leonardo. Le plus cruel du harcèlement en milieu scolaire, c’est qu’il blesse notre esprit et notre auto-estime au moment où nous avons le plus besoin de force intérieure pour nous accepter nous-même et pouvoir faire face à de nouveaux défis dans la vie. Il arrive que des victimes du harcèlement se culpabilisent même d’avoir été une cible ‘‘facile’’. Ils peuvent se sentir ratés, faibles et sans valeur, et aboutir à des situations hautement dramatiques : ‘‘Si seulement j’étais différent…’’. Cependant, paradoxalement, ce sont ceux qui harcèlent qui sont les vrais faibles, parce qu’ils pensent qu’ils peuvent affirmer leur identité propre en faisant du mal aux autres. Ils s’en prennent parfois à toute personne qu’ils estiment différente, qui représente quelque chose qui les menace. Au fond, ceux qui harcèlent ont peur, ce sont des peureux qui se cachent derrière une force apparente. Et en cela – écoutez bien - quand vous sentez, quand vous voyez que quelqu’un éprouve le besoin de faire du mal à un autre, de harceler un autre, de le brimer, c’est celui-là qui est faible. Celui qui est brimé, ce n’est pas lui qui est faible, c’est celui qui brime, parce qu’il a besoin de faire le grand, le fort pour se sentir une personne. Je viens de dire à Leonardo : ‘‘Quand ils te disent que tu es obèse, réponds-leur : c’est pire d’être maigre comme vous !’’. Nous devons tous nous unir contre cette culture de harcèlement, tous ensemble contre cette culture de harcèlement, et apprendre à dire : ça suffit ! À cette épidémie, c’est vous-mêmes qui pouvez porter le meilleur remède. Il ne suffit pas que les institutions éducatives et les adultes utilisent toutes les ressources qui sont à leur portée pour prévenir cette tragédie, mais il faut qu’entre vous, entre amis, entre compagnons, vous puissiez vous unir pour dire : non ! Non au harcèlement, non à l’agression de l’autre ! Ça, c’est mauvais. Il n’est pas de plus grande arme pour se défendre contre ces actions que celle de pouvoir ‘‘se lever’’ entre compagnons et amis pour dire : ce que tu es en train de faire, le harcèlement, est grave.
Celui qui harcèle est un peureux, et la peur est toujours l’ennemi du bien, c’est pourquoi il est l’ennemi de l’amour et de la paix. Les grandes religions, toutes les religions que chacun d’entre nous pratique enseignent la tolérance, elles enseignent l’harmonie, elles enseignent la miséricorde ; les religions n’enseignent pas la peur, la division ou le conflit. En ce qui nous concerne nous chrétiens, écoutons Jésus qui disait constamment à ses disciples de ne pas avoir peur. Pourquoi ? Parce que si nous sommes avec Dieu et que nous aimons avec Dieu et aimons nos frères, cet amour chasse la crainte (cf. Jn 4, 18). Pour beaucoup d’entre nous, comme nous l’a si bien rappelé Leonardo, regarder la vie de Jésus nous permet de trouver la consolation, car Jésus savait lui-même ce que signifie être méprisé et rejeté, jusqu’au point d’être crucifié. Il savait également ce que c’est que d’être un étranger, un migrant, quelqu’un de ‘‘différent’’. Dans un certain sens – et ici, je parle aux chrétiens ainsi qu’à ceux qui ne sont pas chrétiens, considérez-le comme un modèle religieux -, Jésus a été le plus ‘‘marginalisé’’, un marginalisé rempli de Vie à donner. Leonardo, nous pouvons toujours regarder ce qui nous manque, mais nous pouvons aussi découvrir la vie que nous sommes capable de donner et d’offrir. Le monde a besoin de toi, ne l’oublie jamais ! Le Seigneur a besoin de toi, il a besoin de toi pour que tu puisses donner du courage à tant d’autres qui demandent aujourd’hui une main qui les aide à se relever. À vous tous, je voudrais dire une chose qui va vous servir dans la vie : regarder avec mépris, avec dédain une personne, c’est la regarder de haut, c’est lui dire : je suis supérieur et toi tu es inférieur ; mais il y a une seule façon licite et juste de regarder une personne de haut, c’est en l’aidant à se relever. Si l’un d’entre vous, moi compris, regarde une personne de haut, avec mépris, il est peu de chose. Mais si l’un d’entre nous regarde une personne de haut pour lui tendre la main et pour l’aider à se relever, cet homme ou cette femme est grand. Donc, quand vous regardez quelqu’un de haut, demandez-vous : où se trouve ma main, est-elle cachée ou est-elle en train de l’aider à se relever ? Et vous serez heureux. D’accord ? D’accord, oui ou non ? Vous êtes tous muets !
Et cela suppose qu’il faut apprendre à développer une qualité très importante, mais dévaluée : la capacité d’apprendre à donner du temps aux autres, à les écouter, à partager avec eux, à les comprendre. Et ce n’est qu’ainsi que nous allons ouvrir nos histoires et nos blessures à un amour qui va transformer et commencer à changer le monde qui nous entoure. Si nous ne donnons pas, si nous ne perdons pas du temps, si nous ‘‘gagnons du temps’’ au dépens des personnes, nous le perdrons dans beaucoup de choses qui, en fin de compte, nous laissent vides et abrutis - dans mon pays on dirait qu’on nous remplit de choses jusqu’à l’indigestion -. Donc, s’il vous plaît, consacrez du temps à vos familles, consacrez du temps à vos amis, et aussi à Dieu en priant et en méditant, chacun selon sa croyance. Et si pour vous il est vous difficile de prier, ne vous découragez pas ! Un guide spirituel sage a dit une fois : prier, c’est d’abord être simplement là. Reste calme, crée de l’espace pour que Dieu entre, laisse-toi regarder et il va te remplir de sa paix........
..... Combattre cette pauvreté spirituelle est une tâche à laquelle nous sommes appelés, et vous les jeunes, vous avez un rôle spécial à jouer, car cela exige un changement important dans nos priorités, dans nos options. Cela implique de reconnaître que le plus important ne réside pas dans les choses que j’ai ou que je peux acquérir, mais dans la personne que j’ai pour les partager avec elle. Il n’est pas si important de se focaliser et de s’interroger sur ce pour quoi je vis, mais sur la personne pour laquelle je vis. Apprenez à vous poser cette question : Non pas, pour quoi je vis ; mais pour qui je vis, avec qui je partage ma vie. Les choses sont importantes mais les personnes sont indispensables ; sans elles, nous nous déshumanisons, nous sommes privés de visage, nous sommes privés de nom, et nous devenons un objet de plus, peut-être le meilleur de tous, mais des objets, or nous ne sommes pas des objets, nous sommes des personnes. Le livre de l’Ecclésiastique dit : « Un ami fidèle est un puissant soutien ; qui l'a trouvé a trouvé un trésor » (6, 14). C’est pourquoi il est toujours important de se demander : « Pour qui suis-je ? Certainement pour Dieu. Mais il a voulu que tu sois aussi pour les autres, et il a mis en toi beaucoup de qualités, des inclinations, des dons et des charismes qui ne sont pas pour toi, mais pour les autres » (Christus vivit, n. 286), pour partager avec les autres, pas uniquement pour vivre ta vie, mais la partager. Partager la vie ! ..... "
Tokio, 25 nov. 2019
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