La plupart des écoliers italiens ont retrouvé leurs salles de classe ce lundi 14 septembre, après en avoir été éloignés environ sept mois pour tenter d’enrayer la propagation du coronavirus. Un médecin exerçant à Rome témoigne des répercussions de cette absence prolongée et des mesures de distanciation sur le psychisme des enfants.
La prudence reste de mise pour les huit millions d’élèves et leurs
professeurs, dans un pays où la pandémie a fait près de 36 000 morts et où l’on
dénombre en ce moment environ 1500 nouveaux cas positifs chaque jour.
Les établissements ayant rouvert doivent donc suivre un protocole strict,
respectant notamment la règle d’or de la distanciation, au moins un mètre entre
deux élèves. Le port du masque est bien sûr obligatoire.
Pour les enfants et les adolescents, que signifie le fait de se retrouver à
l'école après des mois d’interruption, tout en suivant des mesures sanitaires ?
Le professeur Daniela Chieffo, neuropsychologue et psychothérapeute à la
Fondation polyclinique universitaire Agostino Gemelli IRCCS, nous répond :
Pour nos enfants et nos jeunes, revenir, même avec des mesures de distance,
signifie tout d'abord revenir dans la gardienne des relations qu'est l'école,
puis, d'une manière ou d'une autre, reprendre la relation avec leurs pairs.
Avec, évidemment, une distanciation qui, cependant, peut être compensée par d'autres
stratégies de communication. Par conséquent, il est nécessaire de recourir à
d'autres stratégies de contact physique, mais la proximité et la distance
doivent être compensées dans cette période par une forme d'affection
différente, il faut favoriser, avant tout, la communication. Je crois que les
enfants y sont maintenant habitués, aussi parce que nous vivons cette réalité
depuis des mois. Je pense également qu'ils disposent de mécanismes internes
encore plus valables que ce que nous attendons d'eux.
Les enfants et les adolescents pourraient-ils développer une peur de
l'autre qui, pendant les mois passés à la maison, a été tenue à distance par
l'environnement familial lui-même ?
Oui, on peut développer, tout d'abord, le sentiment d’être contagieux, il
est donc particulièrement important que les enfants et les adolescents ne
soient pas considérés comme des vecteurs de contagion. C'est un danger, surtout
pour les plus petits, de penser qu'ils peuvent rendre leurs grands-parents
malades. Ce sont des messages qui doivent rassurer, car il est clair que l'on
peut développer une anxiété, une peur de l'autre dans la relation. Je pense
que, dans le cadre de la croissance, les enfants et les adolescents devraient
également recevoir des informations avec une sorte de sérénité, sans mettre
l'accent sur certains concepts de contagion avec l’alarmisme ou le sens
militariste de ces mesures de prudence.
Quand ils grandiront, comment se souviendront-ils de cette époque où tout
le monde portait des masques et ne se serait jamais dans les bras?
Je crois qu'ils s'en souviendront comme appartenant à un moment très
difficile que l'humanité entière a vécu et vit, donc ce seront des enfants et
des jeunes qui ont déjà développé en eux d'autres ressources que ceux qui n'ont
pas vécu cette période et, probablement, je crois que nous devons promouvoir la
résilience chez ces enfants. Le souvenir sera certainement un simple souvenir
pour certains, ou traumatisant pour d'autres, car dans la réalité quotidienne
nous sentons aussi des enfants et des jeunes qui vivent très mal cette période,
mais il est vrai aussi que nous comptons beaucoup sur les familles et sur les
enseignants, sur la société, pour que cet événement traumatisant puisse ensuite
se transformer en un événement de croissance et même de partage. En fait, nous
vivons tous une période très difficile, et les enfants et adolescents la vivent
avec leur famille, donc la surmonter pourrait les faire se sentir plus forts et
encore plus mûrs que d'autres enfants et adolescents qui n'ont pas vécu cette
période.
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