Le Testament pédagogique
du pape François
pour l'école du futur
-
par Antonio
Fundarò
Il
fut un temps – le nôtre – où parler de miséricorde semblait être un signe de
faiblesse, de naïveté, presque une capitulation face à la dureté du monde. A
cette époque, un pape arriva « du bout du monde » qui, d’une voix douce mais
radicale, renversa le paradigme. Le pape François, né Jorge Mario Bergoglio,
n’était pas seulement le 266e successeur de Pierre, mais un véritable maître de
l’humanité, qui a restitué au mot « éducation » son antique sacralité :
educere, c’est-à-dire « faire sortir », engendrer la vie.
Né
à Buenos Aires en 1936, jésuite par vocation, prêtre par service, François a
embrassé la pédagogie de l'Évangile (une approche éducative inspirée du message
et de la figure de Jésus-Christ) avec la sagesse du cœur. En lui se
rencontraient la rigueur de l'intelligence et la douceur du regard, la fermeté
de la doctrine et la révolution de la tendresse. Sa force n’était jamais dans
la condamnation, mais dans l’étreinte. Il a proposé au monde, et en particulier
aux écoles, une nouvelle grammaire éducative : moins axée sur le contenu et
plus fondée sur les relations, moins centrée sur la performance et plus sur le
soin personnel.
Son
langage était clair et direct, adapté aux enfants et aux enseignants, aux
croyants et aux non-croyants. Ses lettres au monde scolaire, ses appels aux
enseignants, les paroles prononcées lors des rencontres avec les jeunes ont
esquissé une vision de l’éducation comme outil de régénération sociale. Non pas
pour construire des armées d’experts, mais pour former des consciences libres,
conscientes, capables de « pleurer pour ceux qui souffrent », comme il aimait à
le dire lui-même.
Dans
sa pensée pédagogique, l’école n’a jamais été une institution neutre, mais un
laboratoire d’humanité. « Éduquer – a-t-il dit – est un acte d’amour, c’est
donner la vie ». Et encore : « On ne peut pas éduquer sans passion. »
Ses
paroles n’appartiennent pas seulement à la sphère ecclésiale. Ils appartiennent
à toute l’humanité. C'est pourquoi aujourd'hui, à la lumière de son
enseignement, il est nécessaire de recueillir son héritage sous une forme
vivante, comme une boussole pour toute communauté scolaire qui veut éduquer
avec le cœur et avec l'esprit, avec rigueur et avec empathie.
Le
pape François a indiqué que l’école était le lieu d’un changement possible. Et
il l’a fait non seulement avec ses encycliques et ses documents officiels, mais
aussi avec ses silences, ses gestes, son choix d’un style de sobriété et de
proximité. Il n’existe pas aujourd’hui de pédagogie de la dignité qui ne puisse
s’inspirer de sa vie. C’est pourquoi son exemple nous demande, avec force et
douceur à la fois, de repenser l’école comme un espace dans lequel personne
n’est laissé pour compte, personne n’est humilié, personne n’est oublié.
Les
mots clés de son lexique pédagogique
Le
pape François a construit un lexique éducatif qui, tout en s’appuyant sur la
tradition évangélique, s’adresse avec force à toutes les écoles du monde, y
compris les écoles laïques, multiculturelles et plurielles. Il n'a jamais
proposé une encyclopédie de concepts abstraits, mais un vocabulaire de l'âme,
basé sur des mots simples, vivants, concrets, capables d'avoir un impact sur la
vie quotidienne de l'école : miséricorde , soin , rencontre ,
fraternité , périphérie , écoute , tendresse , dignité
. Chaque terme, dans ses homélies comme dans ses gestes, devient un pilier
éducatif à relire dans une clé pédagogique.
Le
mot miséricorde , cœur de son pontificat, n’a jamais été, pour François,
synonyme d’indulgence facile. Au contraire, on a proposé comme fondement de
toute relation éducative : regarder l’autre, même l’élève le plus difficile,
non pas à travers le prisme des préjugés ou de l’évaluation, mais comme porteur
d’un mystère, d’une histoire, d’une possibilité. La miséricorde signifie
suspendre le jugement pour s’ouvrir à la compréhension ; c'est accompagner sans
jamais remplacer, orienter sans jamais envahir.
Le
soin est l’autre mot clé, qui rappelle
l’étymologie de l’éducation elle-même comme un acte qui nourrit et protège.
François invite l’école à devenir une communauté qui prend soin non seulement
des compétences, mais des fragilités, des affections, des rêves. L’accompagnement
éducatif se traduit par une attention personnalisée, une écoute empathique et
une planification inclusive. C'est le dépassement définitif de l'éducation
transmissive, au profit d'un enseignement génératif, qui accompagne le
développement intégral de la personne.
La
fraternité est la base d’une école qui ne classe pas
mais qui embrasse. À une époque dominée par la compétition, François nous
rappelle que nous sommes tous frères. Cela a de profondes conséquences
pédagogiques : la salle de classe n’est pas une arène de jugement mais un
laboratoire coopératif. L’évaluation devient un outil de croissance et non
d’exclusion. Les méthodologies d’enseignement fondées sur la coopération, le
tutorat par les pairs et l’apprentissage par la pratique trouvent leur
fondement éthique dans la fraternité.
Et
puis il y a les banlieues , qui pour François ne sont pas seulement des
lieux géographiques, mais des conditions existentielles. Toute école qui se
respecte doit pouvoir regarder vers ses périphéries : les élèves défavorisés,
les redoublants, les nouveaux arrivants, les enfants qui ne parlent pas, ceux
qui dérangent, ceux qui sont oubliés. Le pape François nous enseigne qu’une
école juste est celle qui sait déplacer le centre de gravité vers ceux qui sont
les plus éloignés, car c’est là que se joue la vérité de notre tâche éducative.
La
tendresse , enfin, est le mot qui a le plus
scandalisé les partisans d’une école froide et hyper-rationnelle. Mais François
a eu le courage de la proposer à nouveau avec force, la définissant comme « la
force des forts ». La tendresse n’est pas une faiblesse, c’est une pleine
conscience de la dignité des autres. Enseigner avec tendresse signifie
considérer les élèves non seulement comme des sujets à éduquer, mais comme des
personnes à aimer. C'est une pédagogie du cœur, qui n'a pas peur d'être humain,
qui sait sourire, consoler, attendre.
Traduire
ce lexique dans la pratique scolaire est non seulement possible, mais un
devoir. Un enseignant qui agit selon ce vocabulaire éducatif n’enseigne pas
seulement des notions, mais montre que l’école est un lieu où la culture
devient chair, devient relation, devient espoir. Et c’est peut-être le plus
grand héritage que le pape François nous laisse : l’invitation à ne pas
craindre le bien, à ne pas avoir peur de la beauté, à ne jamais renoncer à
l’humanité. Même pas à l'école.
Le
« Pacte mondial pour l'éducation » : un manifeste pour l'éducation du XXIe
siècle
En
2019, le pape François lance un défi qui est à la fois une invocation, un
programme et une prophétie : celui d’un Pacte
éducatif mondial . Il le fait avec des
mots sincères et visionnaires, invitant les écoles, les universités, les
familles, les institutions et les religions à une alliance éducative mondiale,
capable de répondre aux blessures de notre temps : la solitude, les inégalités,
la guerre, la crise écologique et celle des relations. « Nous avons besoin –
dit-il – du courage de générer un changement culturel, de construire ensemble
une civilisation de l’amour ». Il s’agit d’un appel pédagogique, mais aussi
civil, car il considère l’éducation comme la seule véritable voie pour une
régénération du monde.
Le
Pacte
est divisé en sept
engagements éducatifs qui, traduits dans
le langage de l’école, peuvent devenir des lignes directrices pour chaque
établissement d’enseignement, quelle que soit son orientation religieuse ou
culturelle. Le premier est la centralité de la personne , principe
pédagogique par excellence : chaque élève est unique, irremplaçable, digne. Il
s’agit de réévaluer l’éducation personnalisée, de promouvoir des environnements
d’apprentissage inclusifs et flexibles, d’investir dans le bien-être émotionnel
des élèves.
La
deuxième est d’écouter la voix des jeunes , véritable cœur battant de
l’école. François demande que les enfants ne soient pas seulement des
bénéficiaires, mais des protagonistes de l’éducation. Cela nécessite des
pratiques dialogiques, des méthodologies participatives, des conseils de classe
ouverts, des assemblées en direct et un enseignement qui remet en question le
monde réel.
Le
troisième objectif est de promouvoir la pleine participation des filles et
des femmes à l’éducation , en tant que moteur de liberté, d’égalité et de
justice sociale. Cela se traduit par l’intégration des questions de genre dans
la planification de l’éducation, des pratiques d’enseignement non stéréotypées
et une ouverture à un modèle de leadership scolaire inclusif.
Le
quatrième est d’éduquer les gens à accueillir et à rencontrer , en
surmontant les barrières de l’indifférence. Une école accueillante est une
école qui sait travailler sur la culture de l’altérité, sur l’éducation
interculturelle, sur la valeur du vivre-ensemble. Dans les salles de classe, on
peut enseigner la géographie, l’histoire, le droit et en même temps on peut
favoriser l’empathie, l’hospitalité, la solidarité.
Le
cinquième engagement est de former des personnes désireuses de servir la
communauté , en promouvant le sens civique et la citoyenneté active.
Éduquer pour le bien commun signifie donner de la place au volontariat, à
l’expérience et aux projets d’apprentissage par le service. Il s’agit de sortir
l’école d’ elle-même pour faire entrer la réalité dans le programme.
Le
sixième est de promouvoir une culture de la rencontre et du dialogue ,
contre la logique du conflit et de la suspicion. Ici, la référence à la
médiation, à la non-violence et à la gestion des conflits en classe et en
dehors de la classe est très forte. L’école peut devenir un lieu où l’on
apprend à discuter sans haïr, à affronter sans détruire l’autre.
Enfin,
le septième engagement : protéger notre maison commune ,
l’environnement, comme responsabilité éducative. C'est une invitation à
appliquer Laudato
si'
dans
les pratiques scolaires, à travers des cours d'écologie intégrale, des ateliers
environnementaux, des jardins pédagogiques, des projets verts et, surtout, à
travers un style de vie durable qui est également incarné par la communauté
éducative.
Le
Pacte éducatif mondial n’est pas une utopie spirituelle, mais un programme
concret, adapté à toute école qui veut éduquer non seulement les têtes, mais
les cœurs. François appelle à reconstruire l’éducation comme espace d’alliance
entre les générations, les cultures, les mondes, pour construire une nouvelle
civilisation. Il ne propose pas de recettes, mais une méthode : se réunir, se
regarder dans les yeux, prendre soin de l’avenir.
Chaque
conseil de classe, chaque responsable, chaque enseignant peut trouver dans ce
Pacte une carte pour orienter sa mission. Car, comme le pape François nous l’a
rappelé à plusieurs reprises, l’éducation est toujours un acte d’amour. Cela
donne la vie .
Éduquer
le cœur : la pédagogie de la tendresse
À
une époque où l’école est souvent invoquée comme un lieu de discipline, de
compétence, de performance, le pape François nous offre un mot déconcertant,
ancien et en même temps révolutionnaire : la tendresse . C'est l'un de
ses termes les plus aimés, souvent accompagné d'un geste, d'une étreinte, d'un
regard qui descend de la chaire et s'arrête à la hauteur des enfants, des
malades, des exclus. « La tendresse est la force des forts », a-t-il déclaré.
Et c’est précisément à partir de cette force douce qu’une véritable révolution
éducative peut commencer.
Éduquer
avec tendresse, c’est construire une relation fondée non pas sur l’autorité
hiérarchique, mais sur la confiance. L’enseignant n’est plus seulement celui
qui sait, mais celui qui accompagne. C'est un adulte qui n'a pas peur de se
montrer vulnérable, qui sait se tenir aux côtés de ses élèves dans les moments
de crise, qui ne se réfugie pas derrière la rigidité de la note, mais sait
reconnaître la valeur de l'effort, de la croissance, de la transformation
silencieuse. C’est lui qui sait dire : « Ne t’inquiète pas, essayons encore
ensemble. »
Cette
pédagogie a son centre dans la relation éducative , comprise comme un
lieu d’acceptation inconditionnelle. Il n’y a pas d’apprentissage sans une
relation significative. La pédagogie contemporaine nous le rappelle aussi,
depuis la psychologie humaniste de Carl Rogers jusqu’à l’enseignement inclusif
de l’UDA : seuls ceux qui se sentent reconnus, aimés, soutenus peuvent vraiment
apprendre. François, sans recourir aux codes académiques, nous transmet cette
vérité avec simplicité : « Éduquer, c’est engendrer. Et pour
engendrer, il faut aimer. »
Un
autre élément clé de cette vision est la valorisation de l’erreur. L'école de
la tendresse ne punit pas, mais accompagne. L'erreur n'est pas une faute, mais
un passage. Une occasion de se relever, de réessayer, d'apprendre en
profondeur. C’est là qu’entrent en jeu les méthodologies d’enseignement qui
rejettent le notionnalisme et embrassent le processus : l’apprentissage
coopératif , le bricolage , les activités de laboratoire, les
parcours d’apprentissage basés sur les compétences, les grilles d’évaluation
comme outils de réflexion et non de condamnation.
La
pédagogie de la tendresse promeut également l’inclusion non pas comme une
obligation normative, mais comme un style de l’âme. Chaque étudiant, dans cette
perspective, a le droit d’être vu, reconnu et accueilli pour ce qu’il est. Les
plans éducatifs individualisés, les besoins éducatifs spéciaux et les
stratégies de différenciation pédagogique deviennent des instruments de
justice, et pas seulement de droit. Pour François, la bonne école n’est pas
celle qui donne plus à ceux qui ont plus, mais celle qui se penche sur ceux qui
sont en difficulté, comme le bon Samaritain au bord de la route.
Et
puis il y a le temps. L'école de la tendresse n'est pas pressée. Il sait
attendre. Rejetez la logique des délais à tout prix, des programmes à réaliser,
des objectifs rigides. C'est une école qui ressemble plus à une marche qu'à une
course. Et dans ce voyage, l’enseignant est un compagnon, pas un juge.
À
une époque marquée par l’angoisse de la performance, les pressions évaluatives
et un langage éducatif souvent belliqueux (« tester », « rivaliser », « classer
»), le pape François propose une école qui sait écouter , s’émouvoir et
accueillir . Il ne s’agit pas de renoncer à l’autorité ou à la
compétence, mais de les ancrer dans la dimension relationnelle et émotionnelle.
Car, comme il l’a dit un jour : « Une éducation sans cœur n’est pas une
éducation du tout. »
Cette
vision interroge profondément ceux qui vivent l’école aujourd’hui. Il nous
demande d’être des témoins avant d’être des enseignants. Avant d’être des
transmetteurs de savoirs, des bâtisseurs de sens. Il nous demande de croire que
chaque étudiant, même le plus difficile, même le plus en colère, a une
étincelle en lui. Et notre tâche est de le protéger du vent, de l'accueillir
dans nos mains et de l'aider à devenir léger.
Le
pape François et le temps de l'écoute
«
Apprenons à écouter. Le véritable dialogue commence par le silence du cœur. »
Cette phrase simple et profonde contient l’une des plus grandes révolutions
éducatives proposées par le pape François : la pédagogie de l’écoute. Dans un
monde qui crie, interrompt et court, le Pape nous rappelle que l’éducation
authentique naît lorsque nous nous arrêtons, restons silencieux et prêtons
l’oreille à l’autre. C'est un geste d'humilité, de respect, d'amour. Et c’est
aussi, aujourd’hui plus que jamais, une urgence pédagogique.
Dans
ses réflexions, François a insisté à plusieurs reprises sur la valeur de l’écoute
active , non pas comme un acte passif, mais comme un acte transformateur.
Écouter véritablement, c’est accueillir l’autre pour ce qu’il est, sans vouloir
immédiatement le corriger, le modifier ou le cataloguer. À l’école, ce principe
se traduit par une pratique éducative qui met l’élève, ses besoins, ses
émotions, ses peurs, ses rêves au centre. Cela signifie reconnaître que chaque
mot prononcé par un étudiant, même s’il est faux, contient un fragment de
vérité.
La
pédagogie de l’écoute proposée par le Pontife invite les enseignants et les
gestionnaires à reconnaître que toute relation éducative a deux protagonistes.
Le professeur qui sait écouter est celui qui a appris à ne pas combler tous
les vides , à ne pas craindre le silence , à laisser de la place
à l'histoire de l'autre . C'est lui qui sait mettre le programme en pause
pour donner voix à une douleur, une demande, une confiance. C'est l'éducateur
qui sait qu'avant l'explication vient la relation, avant l'évaluation vient la
compréhension.
Sur
le plan méthodologique, cette vision s’incarne dans toutes les pratiques qui
encouragent les élèves à prendre la parole : le temps du cercle ,
l’enseignement par questions, les débats, les entretiens narratifs, les
autobiographies cognitives, le tutorat par les pairs, l’écoute empathique dans
les discussions école-famille. Elle s’incarne également dans une évaluation
dialogique, où le vote ne ferme pas, mais ouvre une conversation. Dans une
faculté capable de questionner ensemble, et non pas seulement de délibérer.
Dans une présidence qui sait ouvrir la porte plutôt que s'imposer avec des
circulaires.
Pour
le pape François, l’écoute est aussi un instrument de justice relationnelle .
Ceux qui ne sont pas écoutés sont exclus. Et ceux qui sont exclus finissent par
se perdre. En cela, la pédagogie de l’écoute est profondément liée à la
prévention du décrochage scolaire : un garçon qui se sent écouté est un garçon
qui existe, qui trouve de l’espace, qui ne se sent pas inutile. Et cela reste
ainsi. Restez à l’école et dans la vie.
Mais
écouter, c’est aussi se décentraliser, renoncer à l’omniscience, se remettre en
question. C'est le point le plus élevé et le plus fatigant de l'éducation. Le
Pape l’a fait avec ses choix pastoraux, avec son ouverture aux jeunes, aux
cultures, aux différences. Il a montré que l’écoute est un acte spirituel avant
d’être un acte de communication. C'est une façon de dire : « Tu comptes. J'ai
besoin que tu comprennes le monde. » Et cela, dans une école qui se sent
souvent seule et ignorée, est un message puissant.
Une
école qui sait écouter est une école qui génère la liberté. Qui n’impose pas
les identités, mais les fait émerger. Qui ne prêche pas, mais dialogue. Qui ne
juge pas, mais accompagne. C’est l’école dont nous avons besoin pour construire
une société plus juste, plus humaine, plus profonde. Car, comme nous l’enseigne
François, personne n’éduque seul. Personne ne se sauve seul. Personne ne
grandit sans être écouté .
Une
éducation à la paix et à la beauté
Le
pape François a toujours parlé de la paix non pas comme d’un concept abstrait
ou d’un idéal à proclamer, mais comme d’un chemin quotidien à construire. « La
paix se fait, elle ne se prêche pas », a-t-il déclaré. Et dans cette
déclaration résonne toute la concrétude de sa démarche pédagogique. Pour lui,
l’école est l’un des lieux privilégiés où l’on peut – et doit – construire une
culture de la paix, non pas par de grandes proclamations, mais par des gestes
simples, des relations respectueuses et l’attention portée aux autres.
Éduquer
à la paix, dans la pensée du Pontife, signifie avant tout apprendre à habiter
le conflit sans violence. Il s’agit d’aider les enfants et les jeunes à
reconnaître les autres non pas comme une menace mais comme une ressource. Il
s’agit de développer une compétence fondamentale : vivre ensemble dans la
différence . De là naît une invitation à l’école à devenir un laboratoire
de dialogue, un gymnase d’empathie, un lieu de pratique de paroles
bienveillantes. Les pratiques de médiation scolaire, de gestion des conflits,
de résolution de problèmes relationnels, d’apprentissage coopératif ,
deviennent des outils concrets pour donner forme à cette éducation
pacificatrice.
Mais
à côté de la paix, François nous demande d’éduquer à la beauté . Et sa
beauté n’est pas une beauté esthétique ou superficielle, mais une beauté qui
sauve, qui guérit, qui restaure la dignité. « La beauté n’est pas une option »,
dit-elle, « c’est un droit, surtout pour les pauvres. » Et ainsi l’école est
appelée non seulement à enseigner l’art, la musique, la poésie, mais à vivre
poétiquement , à créer de beaux espaces, des moments harmonieux, des
environnements qui parlent de respect et de soin. Une salle de classe ordonnée,
une fresque partagée, un poème lu au début de la journée, une mélodie qui
accompagne un moment de réflexion : ce sont tous des signes d’une pédagogie de
la beauté qui fait de l’école un lieu où l’on a envie de rester.
Laudato
si' , l'encyclique puissante et révolutionnaire de François, offre aux
écoles un cadre complet pour construire des parcours d'éducation civique,
environnementale et culturelle. Ici, la beauté se mêle à la responsabilité. «
Prendre soin de notre maison commune » devient un thème interdisciplinaire qui
unit la science, la géographie, l’art, la religion et la technologie. Éduquer à
la beauté de la création, c’est aussi éduquer à la sobriété, à l’équilibre et
au respect de ce qui nous entoure.
Éduquer
à la paix et à la beauté, c’est aussi redécouvrir la valeur du silence ,
de la contemplation et du ralentissement. Il s’agit d’enseigner que tout ne se
mesure pas en performance, que tout ne s’évalue pas avec un chiffre. François
nous rappelle qu’il y a un temps pour réfléchir, pour observer, pour rendre
grâce. Et l’école peut aussi offrir cela : un espace pour respirer, où l’âme
n’est pas étouffée.
Cette
vision éducative est aussi un acte politique, au sens le plus élevé du terme :
construire des citoyens artisans de paix et gardiens de la beauté. Des citoyens
qui savent s'indigner face à l'injustice, mais aussi s'émouvoir devant un
coucher de soleil, un tableau, une parole dite avec amour.
Le
pape François s’est adressé à l’école avec le langage de l’espoir, indiquant la
paix et la beauté comme les deux ailes sur lesquelles l’éducation du futur peut
voler. Pas une école indifférente et grise, mais une école lumineuse et
accueillante. Car, comme il l’écrit dans Fratelli Tutti , « l’éducation
est la graine de la paix, et la beauté est sa sœur » .
Pour
une école plus humaine : synthèse et perspectives
Si
nous voulions résumer la pensée éducative du pape François en une seule image,
nous pourrions penser à une main tendue. Pas une main qui impose, ni qui punit,
mais une main qui élève, qui accompagne, qui console, qui encourage. Sa vision
de l’école est celle d’un lieu vivant, humain, relationnel, où chacun trouve un
espace pour être soi-même et devenir meilleur avec les autres.
Le
pape François ne nous a pas donné un traité pédagogique, mais un testament
éducatif fait de paroles, de gestes, de larmes, de voyages, de rencontres,
d’encycliques et de silences. Une vision du monde et de l’école qui place la
personne dans sa globalité au centre, qui nous invite à éduquer avec le cœur et
avec intelligence, qui nous demande de construire des communautés éducatives
fondées sur la solidarité, l’écoute et l’empathie.
Cet
héritage ne peut rester confiné au monde ecclésial. C'est un patrimoine de
l'humanité, et à ce titre, il appartient aussi à l'école publique, laïque et
démocratique. C'est un cadeau pour chaque enseignant, pour chaque manager, pour
chaque éducateur qui veut contribuer à former des citoyens conscients et
heureux. Car éduquer, au sens le plus élevé et le plus franciscain du terme,
signifie semer l’avenir .
À
la lumière des valeurs et des intuitions du Saint Pontife, nous pouvons
aujourd’hui proposer un décalogue éducatif qui, malgré sa simplicité,
devient une boussole pour toute communauté scolaire :
1. Mettre
la personne au centre , avant le programme et
la performance.
2. Écoutez
avec empathie , avant de parler, d’évaluer, de
corriger.
3. Accepter
la fragilité comme partie intégrante du processus
éducatif.
4. Construisez
des relations , car sans relations, il n’y a pas
d’apprentissage.
5. Elle
enseigne la paix , en paroles, en gestes, dans la
gestion des conflits.
6. Cultiver
la beauté , dans chaque détail : environnements,
langage, matériaux, rituels scolaires.
7. Prenez
soin de notre maison commune en rendant l’éducation
verte et responsable.
8. Elle
valorise la lenteur , contre la précipitation
qui brûle l'âme et l'esprit.
9. Privilégiez
la coopération , plutôt que toute forme de
compétition stérile.
10. Montrez
de l’espoir , chaque jour, dans chaque classe, même
lorsque c’est difficile.
Il
ne s’agit pas d’une simple proposition méthodologique : c’est un choix
anthropologique. Le pape François nous demande de mettre l’humanité au
centre , d’éduquer avec amour, avec justice, avec tendresse. N'ayez pas
peur de la bonté, de la gentillesse, de la patience. N’oubliez pas que chaque
étudiant est un miracle en devenir. Et que chaque enseignant puisse être une
lumière sur son chemin.
À
une époque marquée par la désintégration, l’indifférence et une culture du
jetable, le pape François nous laisse une vision éducative profondément à
contre-courant. Une école qui devient un utérus et non un jugement, qui forme
les consciences et non seulement les compétences, qui redonne du sens et non
seulement des connaissances.
Quiconque
entre dans la salle de classe, avec un registre sous le bras et un cœur ouvert
à la rencontre, peut aujourd’hui décider d’adopter ce style. Car, comme il le
disait, « éduquer est toujours un acte d’amour. C’est donner la vie. C’est
éclairer un avenir qui nous dépasse.
C'est
semer ce que d'autres récolteront.
Horizon
scolaire